Vincent Bolloré, un ami qui vous veut du bien – FX Rochette

Une amie de jeunesse, qui le chambrait sur les libertés pas très catholiques qu’il prenait avec la religion dans son métier de président et ailleurs, l’entend encore rire : « C’est formidable ! Tu te confesses, tu pèches, tu recommences!

Un jour, Bolloré voit, sur son écran, Rika Zaraï à l’antenne : ni une ni deux il descend, l’embrasse, repart.

Véronique Groussard, L’Obs, 25 février 2021.

Il y a un psychopathe qui est arrivé dans une pension de famille… Le psychopathe, c’est moi, la pension de famille, c’est vous. Et le psychopathe, sans savoir exactement pourquoi ou qui, tue régulièrement brutalement un certain nombre de gens.

Vincent Bolloré, sur scène, à L’Olympia, devant ses salariés, 2015.

La confusion serait risible si elle ne participait pas à la grande duperie du bon peuple français. La confusion quant à l’identité, l’extraction, la mentalité, la place dans le grand jeu, les desseins profonds, d’un homme très régulièrement exposé médiatiquement et même, actuellement, acteur de l’actualité brûlante : Vincent Bolloré.

Vincent Bolloré Rothschild Cnews Goldschmidt

Voilà un homme qui n’a jamais été avare en matière de confidences sur ses origines, précisément sur la lignée bretonne de sa famille et sur l’activité industrielle ancestrale de cette branche-là, soit la fabrication de papiers fins divers et variés, notamment les fameuses feuilles à cigarettes OCB.

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Détail d’une feuille à rouler OCB, la famille Bolloré s’est engraissée sur le dos des fumeurs de chichons.

Mais le cadet de Michel et de Monique Bolloré est beaucoup moins prolixe quant à ses ascendants maternels qui pourtant sont les seuls à expliquer son extraordinaire réussite pécuniaire et son ascension oligarchique.  Comment ?Pourquoi ? Où le bât blesse-t-il ?

On ne le sait d’une manière précise mais Vincent Bolloré vient de là, il vient du flouze. L’image du bon Breton catholique et enraciné est certainement plus efficace pour recevoir la sympathie d’une fraction des masses, néanmoins elle ne reflète pas la réalité, elle n’explique pas la trajectoire du bonhomme. Nous allons vous faire une révélation. S’il est bien le fils de son père, Bolloré est également celui de sa mère !

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A gauche, les parents de Vincent Bolloré : Michel Bolloré (1922-1997) et Monique Follot (1923-2009), petite-fille de Nicole Goldschmidt

Sa mère Monique Yvonne Jeanne Henriette Follot était la fille de l’industriel Henri Emile Follot et de Nicole Goldschmidt (qui fit une longue carrière d’agent secret au sein du service action du SDECE, assurant notamment les échanges avec ses homologues israéliens) , l’une des héritières de la dynastie Goldschmidt, immense famille banquière originaire, comme les Rothschild, de Francfort sur le Main, et qui est depuis des siècles alliée à la seconde, si bien qu’une branche Goldschmidt-Rothschild fut fondée sous la bénédiction des patriarches de la famille à cinq flèches lors de l’union de Maximilian Benedict Goldschmidt avec Minna Caroline von Rothschild en 1878. Plus qu’un symbole, la concrétisation d’un axe Goldschmidt-Rothschild, une alliance de sang.

Signe de la confiance totale qu’avait le père de Minna, Wilhem Carl von Rothschild à l’égard des Goldschmidt, Maximilian bénéficia de tous les réseaux de la familia et devint la plus grande fortune de Germanie avant de devenir le dernier représentant de l’écu rouge jusqu’à sa mort à 97 ans dans le fief dynastique à Francfort.

Du reste, les Goldschmidt se sont, à l’instar des Rothschild mais avant eux, dispersés à travers tout l’occident pour prospérer et tisser leur puissant réseau financier.  Ainsi, Jimmy Goldschmidt, l’ancien sponsor de Philippe de Villiers,  fut un descendant d’un Goldschmidt immigré en Angleterre. 

Bref, les Goldschmidt, pour parler comme Nicolas Sarkozy (intime de Bolloré), « c’est du sérieux ». Mais pourquoi donc Nicole Goldschmidt, la grand-mère de Vincent, se serait-elle mariée avec un Follot, nom bourguignon s’il en est ? Certes, les Follot ont de l’argent, des terres et des biens depuis plusieurs générations et sont à la tête d’une prestigieuse entreprise de papier peint épais (du genre chic), mais, bon sang, un Follot reste un Follot !

Cependant, Henri Follot est, comme son arrière-petit-fils Vincent, le petit-fils d’une femme de confession israélite, Eugénie Louise Dreyfous, fille de Mayer Dreyfous, fils de Rose Weil, petit-fille d’Eve Bloch… Simplement pour dire que le côté breton de Vincent Bolloré est quelque peu altéré ou adouci, ou encore magnifié (ça doit être ça) par ses ascendances orientales et ce sang cosmopolite préservé de siècle en siècle.

Parfois, il est vrai, la généalogie n’explique rien. Ni la destinée d’un individu, ni son caractère, son esprit. En l’occurrence, le terreau familial de Vincent Bolloré, personnage sans génie, sans talent particulier, explique tout.

Tout lui tombe tout cuit dans le bec

Avant de nous arrêter sur l’actualité bolloréenne, il importe de se rappeler de l’origine de son émergence dans le monde des affaires, des grandes affaires.

Dans les années 60 et au début des années 70, Michel et Monique Bolloré (ses parents) mènent une vie de fêtes nocturnes sur Paris en compagnie notamment de Jacques Duhamel (le père d’Olivier Duhamel), ministre de la culture et protecteur de Jack Lang, et fréquentent aussi bien Georges Pompidou que François Mitterrand.

L’entreprise familiale ne les intéresse plus beaucoup et Michel cède 40% d’OCB à une société américaine. Alors que le jeune Vincent, dépourvu de toute connaissance en sciences économiques, fait ses armes à 22 ans en tant que sous-directeur chez Edmond de Rothschild (la grosse banque), la boîte familiale est en pleine Bérézina, à tel point que l’actionnaire américain décide de quitter le rafiot, qui échappe au naufrage grâce à son rachat par… Edmond de Rothschild qui assène ses comptes, le renfloue, le retape puis le revend pour une bouchée de pain à Vincent Bolloré et à son frère Michel-Yves (qui disparaîtra plus tard des écrans radars).

C’est ainsi que débute en 1980 la carrière de l’entrepreneur dynamique Vincent Bolloré. Grâce à l’argent frais de Rothschild, l’entreprise parvient à rebondir en produisant un film plastique spécial dont l’industrie est à ce moment gourmande, mais Vincent se laissera porter par la vague sans anticiper sa disparition sur la grève. Il faut alors purger l’entreprise, et diminuer le salaire des restants de 30%.

Par la suite, occupé à d’autres affaires plus excitantes, Vincent laissa vivoter OCB avant que, las, ce grand conservateur ne cède l’entreprise familiale en 2000 à A. Levin, un concurrent américain… En effet, le petit-fils Goldschmidt, « grâce à l’allié Rothschild » comme le disent toutes ses biographies, rachète à Suez en 1986 la SCAC (Société commerciale d’affrètement et de Combustible), une acquisition qui pose les bases du développement de ses affaires en Afrique et dans le monde des activités de transports et logistique. Il reçoit pour ça en 1987 des mains de Jacques Chirac le Prix du Manager de l’année du Nouvel Economiste. On le surnomme alors le Petit Prince du Cash Flow , sobriquet qui a du faire sourire la banque Rothschild.

C’est vraiment à partir de 1986 que l’on a l’impression que, pour lui, l’argent tombe du ciel. Il achète des compagnies de transport et investit à tire larigot souvent en pure perte, mais l’argent continue à déborder de ses poches. Suite à une vague de privatisations imposées par le chantage aux subsides et aux prêts par les institutions financières internationales, il obtient ainsi la concession d’infrastructures en Afrique parmi lesquelles en 1995 la Société internationale de transport africain par rail (Sitarail), et en 1999 la Camrail, compagnie ferroviaire du Cameroun. On allait voir ce qu’on allait voir ! L’Afrique prospère ! La planète sauvée ! La justice partout ! Il ne s’agissait que d’une grossière propagande.

L’actualité de Bolloré : un violent retour à la réalité

Car Bolloré n’a non seulement rien fait pour la planète mais a participé à la détérioration de l’image de la France en Afrique. Un juge du tribunal judiciaire de Paris a jugé “nécessaire” le 26 février dernier un procès pour l’homme d’affaires pour des faits notamment de corruption au Togo, mais… a validé une amende de 12 millions d’euros pour le groupe Bolloré, permettant ainsi la fin des poursuites contre la multinationale.

Lors d’une audience récente avec la Justice, Bolloré et ses principaux cadres, M. Alix et Dorente, ont reconnu avoir utilisé les activités de conseil politique de la filiale Havas (appartenant à Bolloré) afin de décrocher la gestion des ports de Lomé, au Togo, et de Conakry, en Guinée, via une autre de ses filiales, Bolloré Africa Logistics, anciennement appelée SDV.

SDV avait obtenu la gestion du port de Conakry quelques mois après l’élection à la présidence de la Guinée d’Alpha Condé fin 2010, et avait remporté la concession à Lomé peu avant la réélection en 2010 au Togo de Faure Gnassingbé, qui étaient alors tous deux conseillés par Havas. Une information judiciaire avait été ouverte fin 2013 pour “corruption d’agent public étranger, abus de confiance et complicité d’abus de confiance” commis entre 2009 et 2011. La mise en examen des protagonistes pour une partie des infractions concernant la Guinée avait été annulée par la cour d’appel de Paris en juin 2019, pour cause de prescription.

En vérité la relation de Bolloré avec l’Afrique ne ressemble pas à une histoire d’amour. En 2015 puis en 2016, France 2 diffuse un portrait-enquête accablant sur le magnat des affaires en tous genres. Ce dernier est furieux et réclame 50 millions d’euros à France Télévisions pour ce reportage qui aurait porté atteinte à son image.

Un document fort riche qui évoque principalementles activités de la Socapalm, société qui produit de l’huile de palme au Cameroun et dont Vincent Bolloré est actionnaire majoritaire.

Où l’on voit des centaines de sous-traitants, pour certains présentés comme mineurs, payés à la tâche, travaillant sans vêtements de protection et logeant dans des conditions insalubres, qui témoignent face caméra. On peut dès lors penser que l’anticonformisme de la chaîne chérie de Bolloré, Cnews, à propos de l’anticolonialisme et de l’indigénisme, n’est peut-être pas le fait d’un patriotisme et d’un conservatisme sincères mais, éventuellement, le discours d’une défense toute personnelle.

Vincent Bolloré Rothschild Cnews Goldschmidt

Question : La défense du colonialisme par un prédateur financier (via ses chaînes de télévision et ses animateurs vedettes) embauchant dans des conditions objectivement insalubres plus de trente mille individus vivant misérablement est-elle à même de convaincre les principaux intéressés des bienfaits de l’interventionnisme occidental ?

Le général Goldschmidt et ses serviteurs zélés

Bolloré est une créature. Il a été fabriqué pour servir les intérêts d’une oligarchie dont nous avons plus haut dessiné les contours. Les valeurs du bonhomme, c’est assurément du pipeau, un vernis axiologique pour légitimer la propagande qu’il orchestre pour la grosse banque qu’il sert. La mise en avant de Goldnadel, c’est lui, la starisation de Zemmour, c’est lui, la survie médiatique d’Elisabeth Lévy, c’est lui, Hanouna et ses 250 millions d’euros, c’est lui, Jean-Marc Morandini, inamovible présentateur télé malgré le scandale, c’est lui, Pascal Praud et l’anticonformisme sous contrôle, c’est lui. Oui, Cnews, c’est son chouchou.

Non parce que cette chaîne est lucrative. Tous les discours sur la publicité, les succès d’audimat (très relatifs du reste), les arguments purement commerciaux, sont du vent. Cnews perd des dizaines de millions d’euros chaque année, et la maison mère Canal+ a perdu un million d’abonnés dernièrement. Tous les informés le savent, les possessions médiatiques des milliardaires ne servent pas à faire de l’argent, pas directement du moins, mais à défendre leurs intérêts, à faire pression sur les politiques et sur les juges, pis encore à imposer lentement mais sûrement une vision de la société et une politique générale qui leur siéent.

black block gaston besson gilet jaune

Celles de Bolloré sont celles des Rothschild et d’Israël. Et Cnews, insistons sur ce point, est leur vitrine. Aussi Vincent Bolloré ne tolère-t-il pas la moindre critique en interne de son Précieux et de ses petits fayots. Illustration éloquente : En novembre 2020, Sébastien Thoen, humoriste de Canal (depuis 20 ans) participe à une parodie de l’émission L’Heure des pros, (diffusée sur CNews) en « L’Heure des pronos », pour le compte de la chaîne de pari sportif Winamax. Il y interprète un certain Lionel Messiha, en référence à Jean Messiha, intervenant régulier de l’émission. Il est entouré de Thomas Séraphine, dans le rôle de Michel Saindoux et Julien Cazarre qui joue Pascal Prono, référence à Pascal Praud.

Quelques jours plus tard, il est carrément licencié par Canal+, en raison de sa participation à cette parodie. En décembre, un communiqué de la société des journalistes de Canal rassemble 150 signataires pour dénoncer “l’éviction” de Sébastien Thoen et pour affirmer leur attachement à “la liberté d’expression, de caricature et de parodie pour tous les membres du groupe dans les limites fixées par la loi“. Patatras, certains signataires sont licenciés sur le champ et nombre de pigistes qui soutenaient Thoen sont virés « sans explication ».

François-Xavier Rochette.

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