Les créatures d’Antoine Bernheim, maître d’oeuvre du libéral-sionisme – FX Rochette

“On ne juge pas Israël sur l’instant qui passe : il est trop vieux et trop jeune à la fois. Pour le regarder, la lorgnette du présent ne suffit pas, il y faut aussi le télescope du passé… et de l’avenir”.

Edmond Fleg.

Antoine Berheim Bernard Arnault Vincent Bolloré

Dans un autre article, nous nous sommes arrêtés quelques instants sur l’homme d’affaires, industriel en Afrique et magnat des media, Vincent Bolloré, surnommé Boule dorée par les Africains qui ne le supportent plus. Nous nous sommes efforcé dans notre texte du 10 mars de montrer que Bolloré n’était pas un génie qui avait su faire fructifier ses avoirs familiaux pour édifier un empire solide mais le poulain, parmi d’autres, de la grosse banque qui n’est pas spécialement bretonne.

Si Vincent Bolloré est lié au monde du gros argent par sa grand-mère Goldschmidt (qui était une amie des Rothschild), il faut ajouter, il faut préciser pour être plus clair que cette dernière, qui était une sioniste d’avant 1948, était une proche non seulement d’Edmond de Rothschild mais aussi une grande amie de Léonce et Renée Bernheim, fanatiques mondialo-sionistes, arrêtés à Grenoble en 1943 et morts en déportation.

Or, l’homme qui a fabriqué Bolloré tel qu’on le connaît aujourd’hui, n’était autre que le fils de ce couple incontournable dans l’histoire du sionisme et lui-même dévoué à cette cause qui comptait pour lui plus que tout, Antoine Bernheim.

Antoine Berheim Bernard Arnault Vincent Bolloré

Disparu en 2012, Antoine Bernheim aura durant quarante ans été l’artisan de certaines des plus grosses fortunes mondiales. Bolloré n’est certes pas sa plus grosse réussite en terme de milliards mais elle l’est indiscutablement en terme d’idéologie et de fidélité, si bien que d’aucuns aient perçu dans les relations filiales entretenues par les deux hommes les indices cumulés d’une véritable parentèle.

Pour bien connaître Antoine Bernheim, ce faiseur d’or, il faut d’abord connaître son père Léonce et la passion qui l’habitait. Ce sionisme et cette certitude que le peuple élu doit amener l’humanité vers la paix universelle sous son égide éternelle. Lors du XV ème Congrès sioniste de 1927, Léonce Bernheim, le délégué pour la France, ne cache pas son fanatisme :La démonstration obéît manifestement au même schéma. Relisons pour nous en convaincre la profession de foi particulièrement explicite de Léonce Bernheim, « sioniste de toute fraîche date » comme il se présente lui-même, et délégué de la France au XVe congrès sioniste :

Antoine Berheim Bernard Arnault Vincent Bolloré
Léonce Bernheim

« Je crois profondément à la haute mission d’Israël parmi les hommes, je crois que cette mission s’accomplira par le triomphe de l’œuvre palestinienne, qu’alors régnera entre les peuples une moralité épurée, que les conflits se résoudront sans guerres et que l’univers sera enfin pacifié. Alors de même que jadis, dans le désert, une flamme divine montrait aux Hébreux pourchassés le chemin de l’Exode, je vois le peuple juif guider à travers les écueils de la route difficultueuse les pas d’une humanité régénérée! ».

Léonce Bernheim, l’un des tout premiers sionistes de France

Ce sionisme, essentiel dans la vie des Bernheim, est certainement le fruit des relations que noue Léonce avec son beau-frère, Edmond Fleg, idéologue précoce de la colonisation de la Palestine et mentor en son domaine de Lecache (fondateur de la LICA), de Bernard Lazare, d’André Spire et de Léon Blum dont on méconnaît trop souvent le sionisme viscéral. On goûtera l’originalité de ses citations qui ont tant ému Francis Huster au point de les déclamer au théâtre :

« Je suis juif, parce que, né d’Israël, et l’ayant perdu, je l’ai senti revivre en moi, plus vivant que moi-même. Toute nuit noire est une aube qui vient. Je suis juif, parce que la foi d’Israël n’exige de mon esprit aucune abdication,Je suis juif, parce que la foi d’Israël réclame de mon cœur toutes les abnégations.Je suis juif, parce que, pour Israël, le monde n’est pas achevé, les hommes l’achèvent. Je suis juif,parce que, pour Israël, l’Homme n’est pas crée : Les hommes le créent.Je suis juif,parce qu’au dessus des Nations et d’Israël, Israël place l’Homme et son Unité. »

Léonce Bernheim, lui, aura les moyens, avec d’autres, avec tant d’autres, de faire vivre l’idéal de Fleg qui prend une réelle dimension sociologique en France avec l’Affaire Dreyfus. Et si cette affaire contrarie nombre de Juifs français, elle apparaît rapidement aux yeux de Fleg  (Bernheim est encore jeune homme) comme une opportunité à exploiter à fond, l’antisémitisme médiatique constituant un formidable argument en faveur de la création d’une nation juive où seraient sanctuarisés les malheureux Israélites du monde entier.

C’est en 1920 que Léonce Bernheim fait la culbute en épousant Renée Schwob d’Héricourt (le d’Héricourt est un rajout coquet exigé par son grand-père pour faire moins allemand…), héritière d’une famille richissime très présente dans l’industrie textile depuis plusieurs générations, dont la puissance était attestée par son appartenance aux fameuses 200 Familles (les 200 actionnaires initiaux de La Banque de France).

Renée Schwob d’Héricourt appartenait à une dynastie d’industriels, de grands propriétaires et de banquiers qui surent se marier à bon escient pour construire un empire et un réseau présent de Bordeaux (par les Gradis) à Nancy, à Paris et ailleurs. Mais elle était aussi la cousine de l’épouse de Mathieu Dreyfus, le frère combatif d’Alfred Dreyfus. Sa propre famille est très proche des Dreyfus (plusieurs mariages lient les deux familles, et d’autres, pour l’anecdote, avec les Cahen, les Pereire et les Rothschild) et racheta leurs usines de textile en pleine tempête pour les maintenir dans le giron familial. De plus, le père de Renée Bernheim, James Schwob d’Héricourt, recueillit les enfants d’Alfred Dreyfus lorsqu’ils furent virés de leur école de Belfort.

Antoine Berheim Bernard Arnault Vincent BolloréPendant la guerre, plusieurs membres de la famille élargie des Schwob d’Héricourt furent déportés et pas seulement les parents d’Antoine Bernheim qui ne reviendront pas d’Auschwitz. Avant même les déportations massives, la grosse banque qui a pour noyau dur les Rothschild va s’organiser aux Etats-Unis où les principaux barons du gros argent se sont réfugiés. André Meyer de la banque Lazard participe ainsi le 6 décembre 1941 à la réunion au domicile d’ Édouard de Rothschild à New York, pour venir en aide au Judaïsme français dans son ensemble. C’est le début de l’Association pour le Rétablissement des Institutions et Oeuvres Israélites en France (ARIF).  La réunion fondatrice aura lieu le 6 décembre 1943, toujours chez Edouard de Rothschild. On y trouvera hormis ce dernier et André Meyer,  Robert de Rotschild, le Rabbin Simon Langer, Raymond Baumann, Edouard Weil et Lazare Blum. C’est pour eux le moment de préparer l’après-guerre et la reconquête de leurs avoirs et des possessions qu’ils auraient pu antérieurement obtenir si la guerre et les mesures anti-juives n’avaient pas eu lieu.

La revanche d’Antoine Bernheim

Antoine Bernheim a, lui, échappé à la déportation mais découvre après guerre un champ de ruines dans les affaires familiale et, amer, vend le tout à Marcel Boussac qui avait fait pendant la guerre des affaires avec l’armée de mer allemande pour laquelle il vendit 11 millions de mètres de tissus ! Mais Bernheim ronge son frein. La vengeance est un plat qui se mange froid.

Antoine Bernheim, banquier et patriarche

Antoine Bernheim, orphelin, et après avoir soutenu une thèse de droit…en un an, est recueilli par les frères Wertheimer, spécialistes de l’exploitation de l’image d’autrui (Dès la fin des années 20 Coco Chanel se déclare spoliée par cette famille et prendra quelques années pour avocat René de Chambrun pour ne pas tout perdre) où il apprend le solfège du métier. Solidarité atavique, La fille de Paul Wertheimer est mariée avec Claude Bernheim, un cousin d’Antoine.   Formé dans tous les sens du terme, il entre par la grande porte chez Lazard en 1967 (le sioniste de l’ARIF et patron de la banque, André Meyer, le juge mûr pour accomplir de grandes missions) avec ses réseaux et sa fortune qu’il entend faire fructifier en tant qu’associé. Il devient incontournable et c’est lui qui permet à Vincent Bolloré d’investir massivement en Afrique dans les années 80 puis dans la presse afin de défendre  ses intérêts, ceux de la grosse banque et du sionisme.

Mais Bolloré n’est pas le seul milliardaire fabriqué par Bernheim et Lazard, qui furent tout aussi essentiels dans la création des empires de François Pinault et surtout de Bernard Arnault, l’une des premières fortunes du monde.

Antoine Berheim Bernard Arnault Vincent Bolloré

Les Français sont généralement subjugués par le succès, la richesse, l’incroyable réussite, le luxe fou de Bernard Arnault et de François Pinault. Ils devraient un peu s’intéresser à l’histoire économique récente de leur pays et ils constateront que tout a été fait pour que les Bolloré, Pinault et Arnault deviennent de très gros entrepreneurs au dépourvu d’autres et à la condition de rester à leur place et de défendre par tous les moyens leurs créateurs. Ce qui est particulièrement remarquable dans l’histoire d’Arnault, c’est la limpidité de la volonté de Bernheim dans ses affaires fondatrices (Bernard qui, à trente ans, était un nul qui avait perdu des millions en Floride en investissant dans un immeuble d’habitation à quelques encablures d’une centrale nucléaire. Airy Routier raconte dans une biographie non autorisée consacrée au magnat du luxe, c’est édifiant :

Sur sa période américaine, le roi du luxe est toujours resté fort discret. Il déclare tout au plus: ‘Quand on n’a pas fait d’études aux Etats-Unis, on a du mal à se faire accepter (…). C’est difficile pour un Français de réussir là-bas.’ Doux euphémisme. Sa carrière américaine sera tout sauf une partie de plaisir. Il commence par recruter une petite équipe dirigée par Michael Burke, un Franco-Américain, diplômé de l’université de Lille. En accord avec Arnault, celui-ci jette son dévolu sur la Floride. Le choix est logique. Cet Etat est devenu l’eldorado de l’immobilier en Amérique. (…) Burke déniche un terrain dans l’île d’Hutchinson, Arnault le visite et décide d’y construire une tour de 19 étages comportant 199 appartements devant être livrés en 1986. Il la baptise Princess. Coût: 21 millions de dollars financés par un emprunt de 17 millions à la Barnett Bank, premier établissement de crédit local. Mais Arnault et Burke se sont fait avoir comme des bleus. Personne ne leur a parlé de la centrale nucléaire qui crache ses fumées à une quinzaine de kilomètres de là. La construction, de son côté, révèlera de nombreux défauts: chambres trop petites pour recevoir les immenses lits king size qu’adorent les Américains, balcons trop étroits, douches mal équipées, etc. Par surcroît, le programme enregistre une dérive de ses frais généraux et de ses coûts salariaux. (…) Bernard Arnault affirmera avoir retiré un bénéfice de 3 millions de dollars de ce programme de 30 millions. Affirmation contredite par l’un de ses anciens collaborateurs qui parle, lui, d’une perte de 3,5 millions de dollars.”…).

Avec la curée qu’il orchestre autour de la dépouille de l’entreprise Boussac pour s’emparer de la pépite Dior (pour l’alchimiste Arnault fasciné par le très ésotérique Christian Dior, ce nom de Dior serait fabuleux parce qu’il mêlerait « Dieu et or »). En s’emparant de Dior avec l’argent de Bernheim, Arnault aura pour mission de faire avec cette marque ce que la famille Wertheimer fit avec la marque Chanel et de sublimer ainsi la quintessence de l’héritage des Schwob d’Héricourt et des Dreyfus !

A l’instar de Bolloré et comme François Pinault, Bernard Arnault passe pour un bon Catholique. Peut-être qu’on leur demande de cultiver cette image de bon Français catholiques et self made men. Mais bon, à une question sur le catholicisme, Bernard Arnault répondit à son intervieweur que le problème avec cette religion est qu’elle était en effet essentiellement anti-libérale (dans ses principes). On sait d’ailleurs vers quelle religion porte-t-il son admiration, lui qui a marié sa fille aînée, déjà multi-milliardaire, Delphine, à Xavier Niel qui appartiendrait par sa maman à la communauté qui ne connaît pas la crise. Du reste, quand John Galliano, perçu unaniment comme un génie de la haute-couture pour Dior, fut accusé d’antisémitisme pour quelques mots lancés alors qu’il était ivre dans un café parisien, il fut lynché, insulté, congédié, oublié.

C’est ça la cancel culture, c’est avant tout ça, il ne faut jamais l’oublier. Arnault n’aurait-il pas pu gérer cette crise où s’illustrait un artiste (qui par définition est excessif, écorché) ? Non il connaît les vrais codes de la cancel culture, et bien sûr l’esprit de ses maîtres impatients.

Antoine Bernheim est mort en 2012, mais aujourd’hui d’autres banquiers protègent ces bons petits soldats qui nonobstant ont tous appris à avoir les bons réflexes et à saisir les opportunités de croissance. A l’heure où la guerre est d’abord cognitive (la guerre de l’information), les opportunités sont à trouver dans le secteur des media. Vendredi 12 mars, la volonté du groupe Bertelsmann de vendre son groupe RTL auquel appartient M6 était devenue certaine. Pour le rachat de ce mastodonte, on trouve d’ores et déjà Daniel Kretinsky (que Pigasse de Lazard a déjà fait entrer dans Le Monde en lui vendant ses parts), Bouygues, Vincent Bolloré mais aussi Bernard Arnault et son gendre Xavier Niel. Pour l’avenir, Les amis de Bernheim n’ont pas de soucis à se faire quant au traitement de l’information. Et la France libérée n’est pas pour demain.

François-Xavier Rochette.

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