Le Sahara Occidental, la dernière léchouille ultra-sioniste de Trump – FX Rochette

Trump au service d’une nation et d’une seule ?

Donald Trump n’est pas vraiment l’isolationniste dépeint par un grand nombre de commentateurs. Non seulement utilise-t-il l’arme du dollar et le principe d’exterritorialité de la loi américaine pour affaiblir rapidement des concurrents économiques et des nations qu’il considère comme des ennemis du genre humain comme l’Iran (près de 80 millions d’habitants) mais, aussi, fournit-il encore une énergie considérable à doper par tous les moyens les ambitions profondes d’Israël. Exercice ô combien dangereux qui a dépassé le stade d’une simple histoire d’amour entre Netanyahu et la grande mèche jaune. Ainsi, après avoir reconnu Jérusalem comme future capitale israélienne en y installant la nouvelle ambassade américaine (inaugurée en mai 2018 dans une rivière de sang), reconnu l’autorité sioniste sur le plateau du Golan, entériné un plan de « paix » israélo-palestinien sans l’accord des Palestiniens (étrange manière de faire preuve de non interventionnisme dans le monde), encouragé les colonies sauvages, Donald Trump a mis tout en œuvre, dirait-on, pour normaliser les relations entre Israël et les nations arabes que l’on croyait solidaires à l’égard du peuple palestinien. Mais après Bahreïn, Les Emirats Arabes Unis et le Soudan, Trump a réussi à provoquer le coming-out du Maroc en la matière en faisant d’une pierre deux coups.

Le Tweet de Donald Trump du jeudi 10 décembre 2020 :

« Another HISTORIC breakthrough today! Our two GREAT friends Israel and the Kingdom of Morocco have agreed to full diplomatic relations – a massive breakthrough for peace in the Middle East! » 

Donald Trump Nethanyahou Maroc Sionisme
«Encore une percée HISTORIQUE aujourd’hui! Nos deux GRANDS amis Israël et le Royaume du Maroc ont convenu de relations diplomatiques complètes – une percée massive pour la paix au Moyen-Orient! »

Le Sahara Occidental, objet de l’interventionnisme américain

En échange de cette normalisation israélo-marocaine qui plaît personnellement au bon roi (qui ressemble de plus en plus à feu Carlos, le chanteur inaudible) mais moins au peuple, Donald Trump (et donc les Etats-Unis) a reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental, vaste étendue littorale (Atlantique) peuplée de 220 000 fiers Sahraouis représentés par le Front Polisario et soutenus par l’Algérie. Alger, visiblement pris de vitesse alors que son président serait toujours soigné en Allemagne, depuis mi-octobre. C’est d’ailleurs pour cette raison mettant l’Algérie en position de faiblesse que l’armée marocaine a fait une incursion au Sahara occidental en novembre officiellement pour liquider des autochtones qui avaient bloqué 200 routiers à l’extrême sud du pays.

Trump, ce qu’il représente et son émissaire de gendre Kushner, sont allés très loin. Cette fois, en plus de provoquer et de prendre une décision inique, ses conséquences peuvent être rapidement funestes non seulement pour l’Algérie mais aussi pour la France. Les tensions entre Marocains et Algériens qui ne comprennent, par ailleurs, absolument pas le crachat fait à la Palestine vont s’accroître, au Maghreb… Comme chez nous.

Plus inquiétant encore, la déstabilisation possible de l’Algérie qui entraînera, si elle a lieu, immanquablement une émigration massive d’Algériens mais aussi de subsahariens. L’Algérie n’est pas câline avec la France mais la question n’est pas là. La Libye n’était pas non plus très francophile. Toujours est-il qu’elle servait de mur assez efficace contre l’immigration-invasion.

Pour l’instant, comme dépourvu de chef, de tête, l’Etat algérien reste sidéré et les media publics n’ont, dans un premier temps, décrit que froidement le coup de massue que vient de lui administrer l’administration Trump (les journaux, télés et sites privés se sont immédiatement déchaînés contre Rabat, Trump et Israël.). Après 48 heures de flottement, l’Etat s’est enfin exprimé sans cacher son inquiétude et sa colère.  “Il y a des manoeuvres étrangères qui visent à déstabiliser l’Algérie. Il y a maintenant une volonté de l’entité sioniste de se rapprocher de nos frontières”, a accusé le Premier ministre algérien, Abdelaziz Djerad, dans la première réaction de son pays à la décision américaine.  “Le conflit du Sahara occidental est une question de décolonisation qui ne peut être résolue qu’à travers l’application du droit international”, a réaffirmé samedi, dans un communiqué, le ministère algérien des Affaires étrangères, soulignant que la décision américaine était “sans effet juridique”.

Le Polisario se dit “en état de guerre de légitime défense” depuis que le Maroc a envoyé le 13 novembre des troupes à l’extrême sud du territoire.  “Le rapprochement entre le Maroc et Israël ouvre la voie, si ce n’est déjà fait, à une aide israélienne au profit de l’armée marocaine dans de nombreux domaines, dont certains particulièrement dangereux: surveillance électronique, surveillance du ciel, drones, espionnage, manipulation de l’internet”, estime le journaliste et analyste algérien Abed Charef. “Il est désormais évident que l’armée israélienne est à nos frontières”, observe M. Charef sur son compte Facebook. Pour le politologue Mansour Kedidir, une telle présence, sous quelque forme que ce soit, s’apparenterait à “une provocation” et à “une manifestation belliciste du voisin marocain”. Dans son numéro de décembre, l’influente revue de l’Armée nationale populaire (ANP), El-Djeïch, appelle les Algériens à se tenir prêts à faire face à des “menaces imminentes”. Son éditorial prémonitoire fait état de “la détérioration de la situation régionale le long de notre bande frontalière et (de) la menace que font peser certaines parties ennemies sur la sécurité de la région ces derniers temps”.

La guerre serait une source d’émigration massive

Nous n’en sommes pas là, mais une Algérie déjà mal en point, qui sombrerait dans une vilaine guerre entraînerait immédiatement une émigration massive vers la France. Ni Trump, ni Israël ne feraient quoi que ce soit pour empêcher la déferlante. Objectivement, Trump secoue deux fourmilières dans un même bocal pour reprendre une métaphore à la mode. Marocains si fiers et excités à l’idée d’exploiter enfin ces terres ferrugineuses et ce littoral atlantique qui échappe au voisin auquel il reproche de leur avoir volé des terres, et l’Algérie encerclée dans un sentiment obsidional, isolée, mais galvanisée par sa fidélité envers la cause palestinienne. Tout excité par le soutien de Trump, le bon roi coquet ne se sent plus et annonce que tous les enfants du bon royaume seront prochainement soumis à un enseignement au carré dans lequel la culture et l’histoire juives tiendront toute leur place.

Donald Trump Nethanyahou Maroc SionismeSous le masque du fanfaron, Trump a parfois un petit air de Golem. Il a l’air cow-boy, il parle beaucoup, mais il agit le petit doigt sur la couture du pantalon conformément à ce pourquoi il a été fait. Par son activisme pro-israélien incessant, il n’aura pas donné des gages à une partie de la communauté juive comme nous l’entendons parfois ici ou là, il aura entrepris un formidable travail de défrichement et permis au totem pro-palestinien de sauter. Car là est l’enjeu de cette diplomatie du bulldozer. Plus qu’un abandon acté du peuple palestinien, un soutien de fait à la colonisation en cours à un moment où l’Etat d’Israël se montre radical, intransigeant contre un peuple qui apparaît sans avenir. Ce n’est pas rien, et la probabilité que l’Arabie Saoudite normalise officiellement très prochainement ses relations avec Israël est désormais très haute. Un tabou disparaîtra alors et les derniers récalcitrants, comme l’Algérie, seront marginalisés.

Trump n’aura pas déclenché de guerre apocalyptique, ni contre la Corée du Nord qu’il tança au début de son mandat, ni contre l’Iran. Mais aurait-il pu engager une offensive massive contre Téhéran soutenu par Moscou et Pékin ? Les assertions hystériques d’Hillary Clinton qu’elle martelait durant la campagne des élections présidentielles de 2016 en prétendant vouloir écrabouiller la Perse n’étaient pas sérieuses et l’ont desservie. Depuis quand la bonne Amérique s’attaquerait-elle à des nations non affaiblies par des années de restriction, d’embargo, de tourments, de fractures internes, d’isolement, de disette ? Ça se travaille une nation, ça se saigne doucement avant de s’y approcher de plus près afin de l’achever. Ainsi, si l’empire américano-israélien a bel et bien le désir d’en finir avec l’Iran, il lui faut dans un premier temps réduire au maximum les forces de son ennemi en utilisant le levier de la diplomatie et celui des sanctions. Et de se demander si l’asphyxie orchestrée par l’administration Trump contre ce pays pourrait constituer une première étape dans sa « normalisation ».

Des discours trompeurs

En tout cas, nous remarquons, encore une fois, que les grands discours sur le patriotisme, le nationalisme, les vertus du nationalisme du trumpiste israélien Yoram Hazony, les souverainetés, la liberté, l’indépendance, le retour des nations, la nécessaire multiplicité des nations ne sont bons que pour les nations qui respectent les intérêts et la feuille de route de l’empire américano-israélien. Qu’une nation veuille s’émanciper, s’extirper de cette domination et elle se fait immédiatement recadrer. L’Iran en est l’illustration la plus frappante.

Bref, vous allez le droit de vous organiser en nation seulement si vous commercez selon les normes fixées par l’Empire, si vous vous endettez auprès des bonnes banques, et si vous n’essayez pas de contester son hégémonie ou de s’en défaire. Vous pouvez exister si vous vivez conformément aux attentes de l’Empire. Le folklore patriotique sert souvent de pommade, de maquillage servant à masquer les questions essentielles ayant trait à l’indépendance nationale et d’abord la question de l’endettement de l’Etat qui est pris en otage par l’oligarchie bancaire.

Aujourd’hui, la Palestine. Et demain ?

Ceci dit, même du folklore et d’un semblant d’Etat, la Palestine n’en a droit. Le nationalisme palestinien n’est pas conforme, car les Palestiniens ne seraient, tous, qu’une collection d’individus, sans histoire, sans projet, sans terre… Hier les intransigeants israéliens arguaient que le patriotisme palestinien n’était qu’une invention pure propagée par les Soviétiques pour nuire à Tel Aviv qui s’était rapidement rapproché de Etats-Unis après la création d’Israël. Ensuite, les Palestiniens n’avaient pas la légitimité de discuter politique sérieusement à cause du terrorisme qui devait être perçu comme un fait inhérent à ce peuple. Enfin, à ce terrorisme essentialisé s’est ajouté la marque infamante de l’islamisme qui sert en l’occurrence à diaboliser tous les espoirs d’un peuple.

Un peuple dorénavant criminalisé, progressivement abandonné de tous, et qui est, peut-être bien, l’allégorie de tous les peuples un peu trop encombrants de demain. Dans les colonnes du quotidien Haaretz, journal israélien « post-sioniste », la journaliste Noa Landau n’y va pas par quatre chemins. Pour elle, la normalisation des accords israélo-marocains par l’entremise des Etats-Unis « n’a rien d’un accord de paix, c’est plutôt l’entente de deux forces occupantes ; je te laisse occuper la Palestine et tu me laisses occuper le Sahara Occidental. » Mohammed 6 est invité à taper sur les Sahraouis comme un sourd. Après tout, le martyr du petit peuple pourrait bien servir, à l’occasion, à relativiser, encore, celui vécu par le peuple palestinien. C’est tout le paradoxe de cette question palestinienne défendue par une minorité israélienne et abandonnée à la vitesse grand V sous l’égide américaine par les Etats arabes. Cependant, cette défense toute verbale de la Palestine n’engage personne, n’incite personne à agir sur le terrain politique. Elle ne représente rien devant l’interventionnisme américain.

En France, le camp nationaliste s’est ému à juste titre qu’un quotidien français aussi exécrable qu’il soit, en l’occurrence Libération, puisse être dirigé par un Israélien, ancien officier de l’Armée et du renseignement.

Donald Trump Nethanyahou Maroc Sionisme
Patrick Drahi à droite

Par une majorité de 90,8 %, les journalistes de Libération ont ainsi approuvé à la fin du mois de septembre dernier la proposition de Denis Olivennes, cogérant du journal, de nommer Dov Alfon directeur de la rédaction. Dov Alfon succèdait à Laurent Joffrin et devenait alors directeur de la publication et cogérant du journal. Mais Dov Alfon était entre 2008 et 2011 le directeur d’Haaretz ! Pourquoi Libération contrôlée par quelque montage financier par le milliardaire Patrick Drahi, proche de Benjamin Netanyahu, a-t-il fait venir l’ancien (?) espion Dov Alfon ? La semaine dernière, le quotidien publia (sur le site et pour les abonnés, ce n’est donc pas très explosif) un article fort critique sur Tsahal et la politique agressive et brutale inspirée du néo-sionisme qui déshumanise les Palestiniens, Que valent les vies palestiniennes ?. Aussi les soldats, soutenus par le sommet de l’Etat, ont-ils tiré à plusieurs reprises sur un adolescent de 14 ans (qui avait l’air d’en avoir 10) lui perforant son maigre thorax à coups de 22 long rifle (calibre utilisé pour le … maintien de l’ordre). Quelques jours auparavant, un garçonnet perdit un œil après un tir millimétré d’un soldat de Tsahal (cela nous rappelle quelque chose).

Ainsi, en France, les seuls commentaires critiques à l’égard de la politique israélienne que l’on trouve dans la presse mainstream sont le fait d’un organe contrôlé par un milliardaire (dont l’origine de la fortune est en fait inconnue) et dirigé par un officier israélien. Que faut-il en déduire ?

François-Xavier Rochette.

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