L’espion israëlien Jonathan Pollard libéré par Trump, par FX Rochette [RIVAROL]

Jonathan Pollard glorifié, ils ne sauvegardent même plus les apparences !

Les États Unis donnent à Israël des milliards chaque année, font de Tsahal l’armée la plus redoutée de la région, ferment les yeux sur le programme nucléaire israélien, et défendent Israël à l’ONU. En échange, on a un allié qui a un espion comme Pollard, le paye pour trahir les États-Unis… On a un allié, qui demande une concession comme la libération de Pollard juste pour continuer le dialogue avec les Palestiniens. Quand on a des amis comme ça…. Il y a une raison pour laquelle cette affaire est si peu mentionnée aux États Unis. Il y a des peurs, des peurs que si la population américaine savait, des questions politiques difficiles pourraient être soulevées. S’il est libéré et qu’il est accueilli en héros national en Israël, ça va soulever des questions très difficiles chez l’Américain moyen.

Peter Jones, professeur de relations internationales à l’université d’Ottawa, avril 2014.

 Il est libre John. Avec sa vieille barbe, il a l’aspect d’un vieux naufragé, trop longtemps enfermé sur son îlet ; c’est Papillon, c’est le Comte de Montechristo, que dis-je, c’est le Capitaine Dreyfus version fast food. Pollard, le célèbre espion, comme ils disent, le père Pollard, le Nelson Mandela des Colons, le bulot du Texas Jonathan Pollard est libre ! Mais libre, vraiment libre ! Plus en liberté conditionnelle avec bracelet électronique dans une zone géographique restreinte, situation qu’il vécut apparemment difficilement avec sa nouvelle compagne, Esther, durant 5 ans au fin fond des Etats-Unis. Fin novembre, Jonathan Pollard était affranchi, toutes les chaînes le reliant à l’appareil oppresseur américain ont sauté, et la colombe hirsute, après quelques jours d’étourdissement,  a pris son envol pour rejoindre la terre promise et ses amis qui l’ont accueilli comme s’il venait de vaincre le fils d’Eliphaz. Un héros, on vous dit !

Ainsi le 30 décembre de l’année d’avant, Jonathan Pollard a atterri en Israël avant d’embrasser le bitume de la piste devant un Benjamin Netanyahou aux anges sur le tarmac, si fier de recevoir cette vieille crapule. Après ses bisous sur le goudron, Bibi lui a tendu sa Teoudat Zehout, sa carte d’identité israélienne, garantie de sa nouvelle impunité.

Plus qu’un cadeau américain, un symbole de la soumission états-unienne

Jonathan Pollard, aujourd’hui âgé de 66 ans est un ancien analyste de la marine américaine arrêté pour espionnage en 1985 et maintenu derrière les barreaux pendant trente ans. Il n’a pas connu la peine capitale contrairement aux époux Rosenberg électrocutés au sein de la prison de Sing Sing trente ans auparavant. Pourtant Pollard a fourni plus de 1000 documents top secrets en l’espace de quelques mois à son entité adorée.

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Selon la CIA, c’est grâce à des informations transmises par Jonathan Pollard, qu’Israël bombarde au milieu des années 1980, le quartier général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), alors exilée en Tunisie. C’est aussi grâce à lui qu’Abou Jihad, le numéro deux de l’OLP, est éliminé.

Condamné à la prison à vie en mars 1987, en liberté réduite à partir de 2015, l’espion a recouvré sa liberté de mouvement ce 20 novembre par l’administration Trump. Une nouvelle victoire du camp sioniste grâce à sa super arme Trump, son homme en or. Cela faisait bien longtemps en effet que le Likoud « demandait » la libération de Pollard et manoeuvrait pour ce faire en utilisant parfois des méthodes peu catholiques.

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Vladimir Jabotinsky

Cinq ans après la signature des accords d’Oslo le 13 septembre 1993, le président américain Bill Clinton  espérait finir son second mandat sur un exploit : faire signer une paix définitive entre Israéliens et Palestiniens. Mais au Proche-Orient, rien ne semble bouger sinon une chose. Depuis l’accession au pouvoir en Israël d’un jeune politicien, le jabotinskyste Benyamin Nétanyahou, les choses régressent. La doctrine Jabotinsky est en fait appliquée : on ne négocie plus rien, et la colonisation des territoires palestiniens se renforce chaque jour. L’administration Clinton réunit alors au lieu dit Wye River dans le Maryland, Yasser Arafat et ce Nétanyahou avec qui il entretient des relations tendues. Ce qui avait déjà été le cas de son prédécesseur, George Bush père (président de 1989 à 1993), dont le secrétaire d’État James Baker avait fait de Nétanyahou (bien connu pour être le digne fils de son père, sioniste de tendance fanatique) une persona non grata, un indésirable dans ses bureaux de Washington.

Un crachat sur le peuple palestinien

A Wye River, Arafat espère signer un accord qui élargira ses attributions et fera agrandir la zone que les Palestiniens dirigent seuls en Cisjordanie, dite « zone A », de 13 à 30 % du territoire au moins. Mais Nétanyahou ne cède rien et humilie Arafat en lui proposant 1% de territoire supplémentaire. Las, un texte est finalement signé, un texte creux, n’engageant en rien Israël et d’ailleurs dont rien ne sortira.  Mais, après avoir signé, Nétanyahou revient voir Clinton et lui dit en substance avec un toupet typique :

« Président, j’ai une requête à formuler. J’ai fait tellement de concessions à Arafat que je suis dans l’obligation de revenir vers mon peuple avec un élément positif. Accordez-moi de pouvoir ramener avec moi Jonathan Pollard. ». 

Non, non, chers lecteurs, il ne s’agit pas d’un vieux sketch de Pierre Desproges. Un crachat au visage d’Arafat méritait une grosse récompense aux yeux de Netanyahou… Pollard est un héros de Sion, puisqu’il était un espion de l’entité. Point. Beaucoup s’arrêtent là, à son rôle dans la défense du petit pays. Il n’y a rien d’autre à savoir. Il a donné, il a tout donné pour Israël. C’est bien. Point. Ca se passe comme ça dans la tête des suprémacistes sionistes héritiers du Parti révisionniste de Zeev Jabotinsky.

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Mordechaï Vanunu

Les excités de la minorité ultra trouvaient en revanche parfaitement normal le fait qu’on incarcère en Israël même un lanceur d’alerte comme Mordechaï Vanunu, ex-technicien à la centrale atomique de Dimona, dont le seul crime avait été d’avoir révélé la réalité des recherches nucléaires militaires israéliennes. Condamné en 1988 à 18 ans de prison (il en passera 11 à l’isolement total), lui reste depuis sa libération soumis à des interdictions multiples de s’exprimer ou de rencontrer des étrangers (motifs pour lesquels il sera plusieurs fois condamné de nouveau).  Et ce sont ces mêmes excités qui interdisent à l’Iran de développer son nucléaire 100% civil (sous les yeux de la communauté internationale) en espérant sa vitrification sous les bombes américaines sous le prétexte d’une éventuelle militarisation de la recherche nucléaire perse. Discours vindicatif et bien cocasse de la part de l’entité sioniste, nucléarisée jusqu’aux os.

Depuis quelques années, Pollard n’est pas seulement considéré comme un  héros mais aussi comme un martyr victime… de l’antisémitisme puis de l’antisionisme. Bill Clinton refusa de libérer cet espion qui venait du chaud, le patron de la CIA d’alors ainsi que le chef d’état-major de la marine menaçant de démissionner si le président l’affranchissait.

L’Incarcération de Jonathan Pollard fut-elle une manifestation d’un antisionisme américain ?

Contrairement à ce que l’on peut croire en se focalisant sur les malheurs d’un homme et d’un seul, l’emprisonnement de Pollard, loin d’être un acte d’antisionisme d’Etat, fut paradoxalement une entreprise servant Israël qui, par le biais du Mossad, avait commis une énorme bévue (l’espionnage de Pollard était devenu évident pour la majorité des responsables militaires américains dès 1987), un moyen de détourner l’attention sur un seul homme présenté initialement comme un zozo et un mercenaire âpre aux gains qui avait de son propre chef contacter les services israéliens qui auraient finalement accepter son offre après plusieurs refus.

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Raphaël Eitan

Nous sommes en droit de douter de cette version des faits. A l’aune de l’extrême importance des documents fournis par Pollard à Israël, et à l’identité de l’agent traitant de Jonathan Pollard ! Ce dernier fut en effet le légendaire Raphaël Eitan, le champion de la chasse aux nazis, responsable de la traque et de la capture d’Eichmann, de la mort de Ben Barka (et de la dissolution de son corps dans un bain de soude caustique pensent certains historiens), de la destruction du réacteur nucléaire irakien d’Osirak, de l’exécution d’un savant allemand travaillant pour Nasser (recherche militaire avec pour projet la création de missiles radioactifs). Mais alors qu’il occupe l’un des postes les plus importants au sein du Mossad (il était le chef des opérations), sa carrière d’espion prend soudainement fin en 1985 quand les officiels américains de l’Armée et du renseignement furent convaincus qu’Eitan fut le responsable, le chef, de Pollard. Or Eitan représentait clairement l’Etat hébreu et était la preuve vivante de la culpabilité de l’entité sioniste dans cette affaire.

Mais Rafaël Eitan lui-même s’est ensuite sacrifié (il a servi de fusible, ensuite, volontairement) pour protéger l’entité sioniste en empêchant en 1985 Jonathan Pollard d’entrer dans l’ambassade israélienne aux Etats-Unis, l’abandonnant ainsi sciemment aux Américains afin de sauvergarder les apparences d’une entité sioniste innocente dans cette affaire d’espionnage. Tout le monde allait pouvoir se focaliser et s’en prendre à Pollard et oublier quelque peu la responsabilité étatique de l’Israël. Cependant, cette décision prise dans l’urgence et dans la panique, uniquement destinée à calmer une partie des militaires (et d’une partie de la population qui commençait à se poser des questions sur l’incroyable insolence de Tel Aviv) fut considérée comme abjecte par les ultras du Likoud en Israël même. Selon eux, Pollard avait fait son devoir, courageusement, pour l’Eretz, pour le peuple, pour l’Etat.

La vente des informations à l’URSS en échange des cerveaux juifs

Et il est vrai que Pollard, aussi motivé était-il dans son travail, fut l’employé de Sion, ni plus ni moins. On doit, en 1999, au célèbre journaliste américain, Seymour Hersh, un article très documenté sur le sujet, un article qui ne fut jamais critiqué par qui que ce soit. Cet article intitulé The Traitor montre et démontre que Pollard a été recruté par Israël (aucune trace de candidature spontanée de la part de Pollard n’a été décelée) au moment où le régime soviétique vacillait ostensiblement, peu avant l’accès au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev.

Pour Sion, il fallait agir vite pour récupérer pendant qu’il en était encore temps les meilleurs scientifiques juifs vivant en URSS. Pour obtenir leurs précieuses ressources humaines, Tel Aviv fit un marché avec Moscou. En échange d’informations cruciales sur les systèmes et les codes de la National Security Agency (NSA), l’URSS allait laisser partir vers Israël les grosses têtes israélites qu’elle avait formées.

Tout devait aller très vite puisque, à la chute de l’empire soviétique, les meilleurs savants de confession juive allaient émigrer, pour la plupart d’entre eux, aux Etats-Unis (où l’argent était abondant et les perspectives de carrière illimitées) et non en Israël qui reste une petite chose. Avant l’effondrement du système communiste russe, l’opportunité d’immigrer en Israël était en revanche fort alléchante puisqu’elle était alors la seule possibilité de sortir de la grisaille soviétique pour les Russes juifs. (Hersh note dans son article que les Israéliens, dans un premier temps, étaient particulièrement intéressés par « les scientifiques juifs travaillant sur les technologies des missiles et sur les questions nucléaires »).

Hersh cite également pour étayer sa thèse les propos de William Casey, patron de la CIA à l’époque et une personnalité jusque-là très proche des dirigeants israéliens. Un mois après l’arrestation de Pollard, celui-ci déclara, stupéfait :

« Les Israéliens ont utilisé Pollard pour obtenir tous nos plans d’attaque de l’URSS — les coordonnées, les lieux de tir, les séquences, tout ! Et pour les donner à qui ? Devinez : les Soviétiques ! »

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En 2004, Esther Pollard, la seconde épouse de notre espion, déclarait, furieuse, au Jerusalem Post :

« L’affaire n’a pas progressé d’un pouce en 21 ans. Même s’il (Pollard) ne fera jamais rien qui puisse nuire à Israël, il n’a pas l’intention de tenir sa langue plus longtemps et, s’il n’est pas bientôt libéré, il est prêt à révéler des informations sur le rôle de Rafi Eitan dans le réseau d’espionnage et sur les mensonges qu’il a proférés, des révélations qui pourraient éclabousser tout le monde, notamment des Premiers ministres, et surtout Shimon Pérès. »

Esther allait se calmer avec la likoudisation de l’Etat israélien, et certainement la promesse de la glorification de son époux par l’appareil d’Etat israélien. En 2014, l’Universitaire Peter Jones analysa la couverture médiatique de l’affaire Pollard aux Etats-Unis. Sa conclusion sonnait juste en 2014 mais elle s’avère aujourd’hui erronée après quatre ans de trumpisme ultra-sioniste :  « S’il (Pollard) est libéré et qu’il est accueilli en héros national en Israël, ça va soulever des questions très difficiles chez l’Américain moyen ». Que de chemin parcouru en quatre ans ! Du jamais vu ! Avec une Amérique qui exécute le général héroïque iranien Souleimani avec un drone de lâches au mois de janvier 2020, avec une Amérique qui chasse de son territoire tout représentant de la cause palestinienne, avec une Amérique qui a tout donné à l’entité infernale, avec une Amérique qui a libéré Pollard…

François-Xavier Rochette.

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