Marion Sigaut nous parle de Gabriel Matzneff et des pédophiles[VIDEO]
Marion Sigaut nous parle de Gabriel Matzneff
Avant-propos :
Le texte qui suit a été écrit une première fois en 1998, puis revu et corrigé en 2011.
En 1998, j’émergeais à peine du milieu de gauche dans lequel j’avais baigné des années.
En 2011, après avoir repris mes études d’Histoire, j’avais rejoint le mouvement de Nicolas Dupont-Aignan, pétrie encore de « valeurs de la République ».
Aujourd’hui j’ai fait bien du chemin encore, et plus rien ne tient debout de ce que furent mes convictions républicaines.
De plus, en matière de révolution sexuelle, j’ai découvert les travaux de Judith Reisman sur l’abominable Kinsey.
En un mot comme en mille, le texte qui suit n’aurait pas été écrit aujourd’hui comme il le fut en son temps.
Reste qu’il me semble encore porteur d’informations intéressantes sur la collusion criminelle entre les « forces du progrès » et les crimes contre les enfants.
Marion Sigaut
De l’amour et du crime, du sexe et des enfants
« L’amour est-il un crime ? »
C’est avec ce titre percutant qu’à la fin de l’année 1976, un écrivain pédophile prit sa plume pour sortir du bois et dénoncer à l’opinion la répression qui s’acharnait contre ses semblables.
La justice s’apprêtait alors à juger trois pédophiles emprisonnés depuis des années (aberration que ce système judiciaire français, toujours à cours de moyens, qui laisse croupir interminablement des « présumés innocents »), et c’est à cette occasion qu’un petit groupe de leurs amis décidèrent de sortir de leur habituelle réserve pour leur venir en aide et tenter d’appeler un chat un chat. L’écrivain eut les honneurs d’un quotidien prestigieux et il s’enflamma :
« Ce qui est néfaste, ce sont les contacts sexuels mécaniques, sans tendresse » plaida-t-il. Et de justifier que les contacts qu’il avait avec les jeunes filles sont une relation d’amour extrêmement féconde, et la source de la plénitude de la vie. Aimer un être, c’est l’aider à devenir celui qu’il est. (…) Grâce aux pédophiles, les enfants deviennent vraiment eux-mêmes, se développent plus harmonieusement.
Il fallait arrêter de les poursuivre.
Lui et ses amis menèrent campagne auprès des intellectuels de gauche, et ils obtinrent, quelque quarante-huit heures avant l’ouverture du procès, qu’une brochette de soixante-dix médecins, militants de la cause humanitaire, psychiatres, écrivains, et créateurs à la renommée sans tache, apposent leur signature sur un texte demandant qu’on entende enfin raison : si une jeune fille a le droit de prendre la pilule à treize ans, c‘est bien pour quelque chose.
Non ?
« Trois ans de prison pour des baisers et des caresses, cela suffit ».
Le procès n’eut pas lieu à huis clos, contrairement à ce qu’on aurait pu escompter, et les pédophiles considérèrent cela comme une victoire. Ils voulaient que la vérité soit dite, que l’on sache qu’on avait privé de leur liberté des hommes coupables d’avoir fait l’amour, sans violence ni contrainte, et pour le plus grand plaisir de leurs « victimes ».
Les trois pédophiles furent remis en liberté, et l’écrivain n’en ressentira pas une mince fierté : il dit, et on peut le croire, que c’est certainement grâce à sa campagne que les jurés se sont rendus à l’évidence.
Il était temps, en ces années Giscard, que la loi soit adaptée à la nouvelle réalité sociale et qu’on cesse d’interdire l’amour aux jeunes. Des groupes de pression se constituèrent, rejoints par quelques personnalités du monde judiciaire, dans le but d’obtenir une décriminalisation de la pédophilie. Au nom, entre autres, du droit des enfants à vivre leur sexualité.
Cinq ans plus tard, une nouvelle affaire secouait le petit monde pédophile, et une fois encore l’écrivain se trouva en première ligne.
Il s’agissait, selon lui, d’un montage destiné à le déstabiliser. Alors qu’un scandale sordide secouait le midi de la France, un juge s’en prenait à lui sur la foi d’un document truqué.
L’écrivain pédophile se défendit comme un beau diable. Pour commencer, il n’avait jamais mis les pieds dans ce « lieu de vie » dont on disait que des hautes personnalités venaient y abuser d’enfants handicapés, jamais son nom n’aurait dû être lié à l’affaire. Il s’insurgea contre cette manie qu’avaient les gens bien-pensants de s’en prendre à lui.
Il prit sa plus belle plume et, sur trois colonnes, il se justifia dans un quotidien de gauche.
Alors qu’une lectrice, évoquant le traumatisme définitif qu’elle avait subi en ayant été abusée à l’âge de cinq ans, s’en était prise nommément à lui dans ces mêmes colonnes, celui-ci s’insurgea. Il était le premier à dénoncer l’amour sous contrainte, et plus encore la malignité de certaines familles. Il estima que c’est uniquement parce qu’il était fragilisé par l’affaire du lieu de vie que cette dame le dénonçait ainsi. Pourquoi ne s’en prenait-elle pas plutôt à Gide ou Montherlant, qui ont professé les mêmes goûts ?
Il se définit comme le bouc émissaire, l’hérétique à brûler sur le bûcher. Le juif à dénoncer à la Gestapo.
La victime en un mot. (…)
Mais il était écrivain, et à ce titre il suggéra qu’au lieu de s’en prendre à sa personne, on ne s’attache qu’à la qualité de son écriture. Or, selon lui, ses livres sont bien écrits, beaux, enlevés, avec du style. Et « qu’est-ce que la littérature sinon la mémoire transfigurée par le style ? » demanda-t-il.
« Nous n’aurions pas écrit les livres que nous avons écrits, jamais nos noms n’auraient été mêlés à l’affaire du lieu de vie. Ce ne sont pas nos défauts ou nos faiblesses qui nous font du tort, mais au contraire nos plus éminentes qualité ».
Bigre !
On devrait ne juger les hommes de plume que sur leur production littéraire, leur talent, pas leur vie privée. Lui n’avait jamais eu maille à partir avec la justice sauf dans le cas de ce montage ignominieux dont il se fit fort, dès le début, de dénoncer le caractère mensonger. Puisque procès il devait y avoir, c’est lui qui l’intenterait. Et qui le gagnerait.
« J’avoue ne pas comprendre pourquoi je fais perdre leur sang-froid à tant de gens », s’étonna-t-il un autre jour. (…)
Il dénonça dans la foulée l’influence montante d’une idéologie réactionnaire personnalisée par deux figures de l’ordre moral de l’époque : le pape Jean-Paul II, et le président Reagan.
Ce qu’on appelle communément l’ordre moral, évoquera toujours, pour des femmes de ma génération, c’est-à-dire nées en plein baby-boom, la diabolisation du sexe et du désir, un système qui livre des vierges frustrées en mariage à des hommes d’expérience. L’ordre moral est au service exclusif du mâle et réduit les femmes à la satisfaction de leurs désirs : désir de paternité, de sexe, et de confort qu’Hitler avait bien défini dans les trois K auxquels il destinait les Allemandes : ceux de Kinder, Kammer et Kuche, les enfants, la chambre et la cuisine.
L’ordre moral c’est celui qu’on a prétendu mettre à bas durant la révolution sexuelle qui disait « faites l’amour, pas la guerre ». (…)
L’ordre, qu’il soit moral ou autre, était vécu comme celui des puissants, le désordre étant les remous de la base qui réclame sa part de bonheur.
S’attaquer à la pédophilie, ce serait prôner le retour à l’ordre moral ?
C’est en tous cas avec cet argument que l’écrivain pédophile mobilisa les progressistes autour de lui, rien dans ses actes ne justifiant un tel acharnement à son encontre.
Il est pourtant simple de tirer une morale de sa morale, il n’est nul besoin d’écouter les jaloux et les ratés qui le pourchassent. Il suffit de le lire.
Explication de texte.
Il suffira une bonne fois, peut-être, d’expliquer de quoi il retourne.
Si on ouvre n’importe lequel de ses livres n’importe où, on aura devant soi deux pages, l’une à gauche, l’autre à droite. À n’importe quel endroit de l’ouvrage, quelque part entre ces deux fois trente-cinq lignes, l’auteur vous raconte qu’il vient de faire ou qu’il s’apprête à faire l’amour à une jeune fille, parfois à un jeune garçon.
Nous irons droit au but : le corps de chacune de ces demoiselles dispose de trois organes qui sont trois réceptacles possibles pour le sexe du maître.
De ces trois mêmes organes, le corps du maître dispose également, et rien ne lui est plus doux que de s’y faire visiter.
Faire et se faire faire.
Tout est là, et rien d’autre. Ici pas de sadisme ni de mise en scène macabre qu’on attribue aux pédophiles, rien que sexe donné et reçu pour le plaisir du corps, à sexe et à bouche que veux-tu. Tout effort d’imaginer autre chose sera vain.
Pour le reste, on comprend vite que ce monsieur est un pédophile professionnel. Il jouit de très jeunes filles qu’il collectionne, raconte ses exploits avec le maximum de détails par l’intermédiaire d’un éditeur fidèle, et empoche des droits d’auteur.
Grâce auxquels il peut passer ses journées entre la piscine (baignades, ping-pong, drague), les clubs de gymnastique et les soins de beauté pour préparer ses joutes amoureuses.
Elles ont toutes lieu entre le lever et le coucher du soleil.
Le soir, il rencontre ses amis, va au restaurant, goûte des bons vins et des mets choisis.
Au milieu de tout ça, par moments, il écrit.
Ce qu’il a fait.
Et recommence.
Journaux et romans s’entremêlent pour raconter une seule et même chose : les activités amoureuses d’un monsieur qui amène des très jeunes filles dans son lit, qui aime ça et s’en justifie. (…)
Il sodomise les jeunes filles par dizaines (à la longue, par centaines), et traverse la planète pour faire la même chose à des petits garçons (il fréquente Manille et Tunis, entre autres). (…)
Au milieu des récits passablement monotones de séances de mignotages en tous genres, au long desquelles on tente de situer qui est qui parmi les dizaines de noms féminins assénés, l’auteur fait de la philosophie. Il a bien sûr des états d’âme, des humeurs, coups de blues ou d’euphorie, face sans doute au temps qui passe.
Il nous livre alors ses pensées.
Sur la justice française, par exemple.
Comme il a été mis en cause de la façon injuste qu’on a dite, il attaque. Ceux qui dirigent l’enquête sur le prétendu réseau pédophile du midi de la France n’ont qu’un objectif : ils veulent la peau de l’auteur. Non pas démanteler un éventuel réseau assassin, mais la peau d’un écrivain.
Là il développe sur son thème favori, celui de la victime expiatoire d’une immonde mafia rétrograde et médiocre qui désire s’en prendre au seul talent. Pas une fois il ne pose comme hypothèse qu’il puisse y avoir quelque chose de répréhensible dans ses actes, qui justifierait qu’on tente de le poursuivre.
Il ne décolère pas contre le juge qui mène l’enquête, et dont il dénonce les « manœuvres dilatoires… »
Il y a plus grave encore : « Le Garde des sceaux ne s’en émeut pas, il laisse faire ».
Notre solitaire donne ici un aperçu de quelques complicités de haut niveau tout de même. Quand un justiciable lambda se plaint de la justice, il n’a pas l’habitude de dire que le garde des Sceaux laisse faire. Celui-là semble penser (pour l’avoir pratiqué ?) que les ministres de la Justice sont habituellement plus soucieux de ses intérêts. Ne s’en vante-t-il pas d’ailleurs dans un de ses romans, quand il affirme être parti pour la Belgique — où l’attendait de pied ferme une mère avertie —, armé d’une seule lettre particulièrement amicale du garde des Sceaux de l’époque ?
Il semble choqué que celui-là — en l’occurrence Robert Badinter — ne fasse pas comme les autres, et il conclut par un : « Le garde des Sceaux est une couille molle ».
Il étouffe de rage, d’indignation : à qui se plaindre de ce sale petit juge ? Son avocat est prêt à alerter le bâtonnier.
Reste une seule solution, elle est donnée en toutes lettres : faire appel à François Mitterrand.
Ce paria-là a des fréquentations.
Il peut tout de même être intéressant de noter quelle fut la suite de cette affaire. Notre homme sortit effectivement blanchi de toute participation, mais il en fut autrement des autres.
Pour commencer, une dépêche AFP fait savoir que le matin où les gendarmes débarquèrent dans le lieu de vie pour la perquisition, tout le monde avait été prévenu. Indice supplémentaire de quelques complicités bien placées.
Et si l’affaire ne fut qu’un odieux complot visant à déshonorer des écrivains de génie, on apprendra pourtant, quelques années plus tard et simplement en lisant la presse nationale, que le directeur du centre a bel et bien été condamné pour pédophilie. Et aussi qu’un des intimes de notre auteur rebelle avait présenté à un éducateur du centre, également inculpé et « pédophile notoire », deux adolescents.
Manœuvres haineuses d’un juge médiocre désireux de se venger de son ennui en s’en prenant à une poignée de génies ? Ou découverte d’un vaste réseau pédophile dont le lieu de vie n’aura été qu’un des maillons ?
Pour passer à la postérité, notre littérateur sacrifie à une coquetterie typique de sa corporation : la révision de la langue française.
Prenons le mot « obscène ». D’après le petit Robert, ce qui est obscène est ce qui blesse délibérément la pudeur en suscitant des représentations d’ordre sexuel. On pourrait prétendre, par exemple, que les descriptions qu’il assène à ses lecteurs relèvent de l’obscénité : quel que soit le jugement qu’on porte sur la justification de ses choix sexuels, le mot serait à la rigueur déplacé, au maximum exagéré, en aucun cas un contresens dans le cas de cette littérature-là..
Revue et corrigée par le Maître, la langue du commun donne de l’obscénité une nouvelle définition. La remarque suivante : « le plus beau jour de ma vie, c’est demain », prononcée par Berlusconi sur un plateau de télévision italienne, est, selon notre auteur, d’une « répugnante obscénité ».
On pourrait dire que c’est triste de ne pas profiter de l’instant. Que c’est dommage, ou stupide. Mais choisir « obscène » est un détournement de langage qui permettra d’annihiler toute velléité de définir ses écrits à lui comme choquants.
Il utilisera en d’autres circonstances la même méthode, comme par exemple en évoquant l’attitude blessante d’une ancienne maîtresse qui affichera à son égard un détachement vexant. Il dira « cette précision insultante à notre passé est encore plus obscène que je ne le croyais ». L’obscénité n’est définitivement plus ce qui choque la pudeur par une description délibérée à caractère sexuel, mais ce qui s’oppose à lui, à ses états d’âme, à ses désirs.
Sollicité à l’occasion de la sortie de ses livres, de se justifier de ses choix sexuels, l’écrivain pédophile et fier de l’être dispose de plusieurs arguments pour démontrer qu’il ne fait aucun mal. Ce sont également ceux qu’il développe dans ses romans et journaux intimes
Le premier, c’est qu’il rend heureuses ses partenaires. Il en est même si sûr, que c’est là son leitmotiv au travers de ses publications et de ses interviews, et c’est ce qu’il réplique aux mères indignes qui s’offusquent de voir leur filles tomber dans ses bras (curieusement, ces jeunes filles n’ont apparemment jamais de père.)
Le second, qui revient de façon aussi récurrente, c’est qu’il leur apprend la vie. Le pédophile se targue d’être un initiateur, il remplit une tâche d’ordre pédagogique. Il rencontre des ignorantes, il en fait des êtres affranchis et autonomes. Grande et noble entreprise.
La troisième enfin, et elle rejoint les deux autres, c’est qu’il aime ses partenaires. En bloc, de façon dispersée, infidèle bien sûr, mais à sa manière à lui, c’est de l’amour. Oui, de l’amour. Il arrive qu’au fil des pages il lâche un « Je l’aime » tout aussi surprenant qu’irréfutable : c’est lui qui sait.
Bonheur, élévation de l’être et amour, voilà les trois valeurs élémentaires qui imposent qu’on laisse en paix les pédophiles et qu’on cesse de les poursuivre.
Voyons cela.
Si c’est du bonheur qu’il prodigue, il en prodigue beaucoup. A une quinzaine de jeunes filles en tous cas, chacune à raison de quelques heures par semaines.
Et comme il n’y a que vingt-quatre heures dans une journée, qu’il ne passe pratiquement jamais la nuit avec aucune d’elles, qu’il lui faut également s’occuper de sa petite personne (on a dit qu’il se ménageait club de gymnastique, piscine, institut de beauté), auxquels il faut ajouter également écriture et vie sociale le soir, il reste pour ces demoiselles quelques après-midi entre quinze et dix-neuf heures. À diviser en quinze.
Ce qui, inévitablement, amène à des embouteillages.
Un jour, alors qu’il est au lit avec une lycéenne, le téléphone sonne. Curieusement, c’est la demoiselle qui décroche.
On n’imagine pas qu’elle le ferait sans qu’il le lui demande, ou à tout le moins sans son autorisation. Compte tenu de la vie du personnage, il y a une chance sur combien pour que la personne qui appelle ne soit pas une autre de ses maîtresses ?
Ce qui devait arriver arrive. Une heure ne s’est pas écoulée qu’une furie débarque et tambourine à la porte, en pleine crise d’hystérie.
Cette pauvre fille est folle, se plaint alors le dispensateur de bonheur. « Dès que je leur ouvre ma vie, elles prétendent s’y engouffrer et la régenter ».
Il ne l’a pas fait exprès, peut-être ?
Et si oui, pour quoi était-ce ? Pour les rendre heureuses toutes les deux ? Ou pour déclencher une scène et beaucoup de souffrance dont il va se repaître ? (…)
Quelques jours plus tard, il s’offrira les services d’une « michetonneuse de quinze ans », qu’il n’aura pas besoin de séduire et qui ne lui fera pas de scène.
Mais il reconnaît qu’il n’aime pas ça.
Serait-ce que seule la destruction est intéressante ? (…)
Jamais n’intervient le facteur moral : c’est son bonheur, à lui seul, qui importe, il se soucie comme d’une guigne de ce qu’elles éprouvent. (…)
Il n’arrive jamais qu’un nouveau prénom féminin entre en scène sans que soit accolé, à côté, un âge. Chaque fille est d’abord un prénom immédiatement suivi d’un nombre compris entre quinze et, disons, vingt-deux, au grand maximum, les chiffres revenant le plus souvent étant quinze et seize. À tel point que, quand il reçoit des lettres d’admiratrices littéraires, — qui toutes bien sûr, après l’avoir lu, veulent faire l’amour avec lui — elles signent de leurs prénoms auxquels sont accolés « seize » ou « dix-sept ans ».
Où a-t-on vu qu’une jeune fille s’exprime ainsi ? N’y a-t-il pas là le signe que dans ces confidences intervint une forte proportion de fantasme ?
Mais on aurait tort de croire qu’il ne s’intéresse qu’à leur âge. D’une toute jeune délurée il dit : « je suis incapable de m’attacher à une fille qui a eu quinze amants. »
Lui a quinze maîtresses à la fois, et compte tenu du nombre qui prennent la fuite, pour garder le rythme, il en faut plusieurs nouvelles chaque mois. Mais il ne supporte pas une fille qui en a connu quinze avant lui, et il explique pourquoi : « Elle manque trop d’enfance, elle est trop femme. Je n’ai rien à lui faire découvrir ».
Faire découvrir. C’est là qu’on trouve le pédagogue, l’initiateur, l’éducateur. (…)
« Un homme d’âge mûr charmera plus aisément une jeune fille qu’un jeune homme bouffi de prétentions ».
Ah cette certitude de faire le bien de d’agir au mieux de l’intérêt de ces demoiselles !
Connaître l’amour à dix-huit ans avec un garçon de dix-huit ans, mais quelle horreur ! Pour combattre la corruption de la jeunesse, heureusement, le pédophile est là.
La jeune Isabelle est en progrès, dit le professeur, c’est une bonne élève…
Il dispose d’un critère pour décrire ce qu’est une bonne élève, c’est « l’exquise extrême impudeur » dont elle fait preuve. Bien sûr, il y a là le fondement de tout son plaisir : il a connu une oie blanche, coincée et honteuse d’elle-même, elle devient experte dans l’art de la caresse et il en jouit. Mais il ne jouit pas que de l’art de la caresse, il jouit également de « l’impudeur » dont elles font preuve désormais.
Il les prend vierges et en fait des expertes dans l’impudeur.
Il leur enseigne à le lécher partout, à le laisser faire sur elles ce que bon lui semble, à aimer ça ou à tout le moins à le lui faire croire. Il a atteint son but pédagogique. (…)
On comprend là que ce n’est pas la jeunesse qu’il recherche, mais l’innocence. La jeunesse expérimentée est sans intérêt. Le pédophile, c’est le destructeur, le flétrisseur d’innocence.
C’est ça qui, traduit dans son langage, est assimilé à de l’apprentissage. (…)
Quand sa plus fidèle amie lui fait une scène pour avoir trouvé des signes de la présence des autres, il se défend : « Elle a raison mais que lui répondre ? J’ai présentement douze maîtresses régulières que je dois honorer. »
Alors que, par l’italique, il souligne « honorer », (il leur fait l’honneur de coucher avec elles, pour qui se prend-il !) on est interpellé par le « dois ». Que signifie « devoir » honorer, sinon remplir une mission ? (…)
Du bonheur qu’il dispense, de sa mission pédagogique et de son amour dont il se targue pour justifier du bien-fondé de la pédophilie, il ne reste pas grand-chose à la simple lecture de ses exploits. Une de ses amantes lui dit un jour : « Essentiellement, votre nature, c’est le sadisme ».
Bien vu, jeune fille.
Mais même si au fil des pages, et de la même manière au cours des interviews qu’il accorde à chaque promotion de ses livres, il dit et redit qu’il n’en veut qu’au bonheur d’adolescentes qui ont l’âge légal, on peut tout de même subodorer bien d’autres turpitudes.
Pour commencer, pourquoi se prétend-il pédophile s’il ne couche qu’avec des jeunes filles pubères, quand la pédophilie tend précisément à la recherche des pré pubères. Soit il ment sur l’âge de ses partenaires, soit il ment sur ses emplois du temps pourtant décrits avec précision. Les deux sont sans doute vrais, et il le reconnaît presque lui-même, quand il écrit : « Ce que je vis en Asie est très inférieur à ce que je vis en France, même si les petits garçons de onze ou douze ans que je mets ici dans mon lit sont un piment rare. Oui, un piment, mais seulement un piment : une épice, et non le plat de résistance. » Compare-t-il ici le plaisir que lui fournit un garçon de onze ans avec une jeune fille de dix-huit ? Si le plaisir éprouvé à Manille était inférieur à celui éprouvé à Paris, pourquoi aller si loin ? On a bien plutôt l’impression que Manille est pratique car on n’y risque pas la prison, et qu’à part çà les plaisirs consommés sont les mêmes : il couche en France également avec des garçons et des filles pré pubères, avec des enfants et non plus avec des adolescents. Il se vante d’ailleurs d’avoir été photographié pour un magazine de photos avec une gosse de onze ans. A qui va-t-il faire accroire que c’est pour appuyer le fait qu’il ne couche qu’avec des plus de quinze ? En fait, il s’étale sur ce qu’il fait légalement, et glisse sur ce qu’il fait illégalement.
Ces enfants, où les trouve-t-il ? Ce ne sont pas les siens ni, on espère, ceux que ses copains intellectuels de gauche lui prêteraient. D’où les sort-il ? Comment peut-on croire que ce soit innocent ? Le grand littérateur fait forcément partie d’un réseau. Et tout le monde se bouche les yeux.
Manille ici, Tunis là, ces messieurs qui ont le temps et les moyens s’offrent des plaisirs payants auprès de ce que le monde moderne offre de misère. Les différents appels publics qui ont secoué le mois d’août 1996 lors du congrès de Stockholm (juste après l’affaire Dutroux !) ont bien montré que les arguments généralement utilisés pour justifier les déplacements (« ces enfants-là sont plus matures que sous nos cieux ») sont autant de mensonges : si les pédophiles, à l’instar de notre écrivain, vont profiter sexuellement d’enfants du tiers-monde, c’est parce que prostitution rime avec misère, quel que soit l’âge. La pédophilie est un sport de nantis exploiteurs de pauvreté.
Notre homme fait mieux encore : à différentes reprises on le voit justifier l’inceste. Non par de grandes explications, mais par des évocations explicites non suivies de la moindre condamnation. Il évoque ainsi des amis à lui qui le pratiquent, semblant les mettre dans la même famille que les indispensables initiateurs de la jeunesse. Citant les Mémoires de Casanova, il évoque, en donnant le numéro de la page, un passage où le séducteur « tripote » sa fille de dix ans. Il fait alors ce seul commentaire : « important ». On attend toujours, dans les comptes rendus de lecture élogieux de ses livres, une quelconque réserve sur cet aspect-là de la pédophilie. Cet aspect le plus courant, le plus impuni, le plus destructeur.
Et ce n’est pas tout. Il raconte aussi avoir été invité à visionner des films pédophiles pornographiques. Là il ne s’agit plus de jeunes filles amoureuses qui ont passé 15 ans, ou d’enfants philippins prétendument précoces. Il donne une description presque détaillée des scènes : des enfants à partir de onze ans qui se font, devant les caméras, ce qu’il décrit lui-même à longueur de pages. Garçons et filles mélangés, par tous les orifices.
Commentaire du maître : « absolument charmant. »
A un autre moment, il dit avoir visionné un film pédophile « particulièrement gratiné ». Gratiné, ça veut dire quoi ? Quand on a compris que des enfants ont été pénétrés partout où c’est possible, qu’on leur a ensuite fait faire les mêmes choses entre eux et à des adultes, qu’est-ce qui peut bien être « gratiné » qui justifie de ne pas le décrire ?
On ne peut le soupçonner qu’à la lumière de ce qui a été révélé au grand public à l’occasion de l’affaire Dutroux : il est des gens pour se repaître de tortures et de mises à mort d’enfants, et notre auteur, si innocent qu’il se proclame, fait partie des clients de ce genre d’abomination.
D’où sortent donc ces enfants qu’on filme ainsi ? Qui sont leurs parents, d’où viennent-ils, comment fait-on pour les entraîner à commettre ainsi ces horreurs ? Comment ne pas voir qu’il reconnaît ici faire partie de réseaux qui enlèvent les enfants, les droguent, les filment et s’en repaissent ?
Le pédophile apparaît bien comme celui qui se repaît de la prise de pouvoir sur l’innocent. Il ressemble étrangement au salaud qui s’affirme en terrorisant son épouse, et débande devant la femme-partenaire, la compagne à égalité. Le sadique impuissant, qui a besoin d’une mise en scène de terreur pour se sentir viril et assouvir sa sexualité. (…)
Le pédophile, lui aussi, jouit de posséder, de dominer. Les gémissements de douleur de la victime sont autant de preuve de la puissance de son bourreau.
La pédophilie est une sexualité de dégénérés.
Dominateurs, sadiques et destructeurs, les pédophiles justifient de coucher avec des enfants en réclamant le droit de ces derniers au plaisir.
Gilles de Rais ne cherchait pas tant d’excuses : il violait et tuait les enfants parce que tel était son pouvoir d’homme immensément puissant. (…) Une fois pris, le coupable commença par nier les faits. Quand il ne le put plus, il demanda pardon et monta sur le bûcher.
Notre siècle, lui, justifie ses turpitudes, et il dispose pour cela de bien des armes. La littérature en est une, et notre auteur n’est qu’un maillon d’une longue chaîne.
Quand a eu lieu la révolution sexuelle, autour de mai 1968 en France, l’argument qui prévalait alors était : pourquoi ne pas céder à mes désirs, si je ne fais de mal à personne ?
Trente ans plus tard, on a fait du chemin. Aujourd’hui il est de bon ton de dire : il n’y a aucune raison de ne pas céder à ses désirs.
Peu importe ce qu’ils font aux autres.
Mon désir est mon droit. (…)
Le président François Mitterrand aimait la littérature. Comme d’autres présidents avant lui, il restera comme un homme de goût et de plume. De Gaulle écrivait, Pompidou était agrégé de littérature, Giscard-d’Estaing s’essaya au roman, et François Mitterrand produisit plusieurs ouvrages dont on n’a contesté ni le fond ni la forme.
C’est sans doute la raison pour laquelle ce dernier reçut à sa table notre écrivain pédophile, décidément beaucoup moins marginal qu’il le prétend.
« Votre vie et votre œuvre sont originales au sens fort de ce mot, et c’est ce que la société ne supporte pas. » dit l’homme d’État à son hôte.
« Originale au sens fort », ça veut dire quoi ? Il n’est en tous cas pas possible de voir autre chose dans cette remarque qu’un soutien, et qui vient de haut. La littérature a le droit de tout dire. (…)
« Outre le don de séduire les jeunes personnes, il y a autre chose que j’ai et qu’il n’a pas : le talent du créateur… » dit-il d’un monsieur qui le déteste, donc forcément l’envie.
Il crée quoi ? Il ne fait que raconter ses conquêtes pédophiles dans un style lisible de tout le monde. Il apporte quoi, sinon des justifications au passage à l’acte de celui qui a envie, et qui jusqu‘à présent n’osait pas.
Si lui le fait, pourquoi pas moi ?
Un beau jour, on apprend que monsieur donne des conférences dans un lycée. Est-ce là un des grands acquis de l’arrivée de la gauche au pouvoir ? Jadis, ces salauds de fonctionnaires de l’Education nationale prétendaient empêcher leurs ouailles de s’ouvrir sur la vie. Ils leurs fermaient les classes, nul n’avait le droit de pénétrer l’école.
Aujourd’hui, les temps changent. En 1983, l’écrivain pédophile est venu, un samedi matin, donner une conférence aux élèves de seconde d’un grand lycée parisien.
Au nom de la littérature bien sûr. Mais il n’est pas inutile de savoir que notre homme, s’il ne donne aucun détail sur le sujet de son intervention, en donne sur la physionomie de ses auditeurs : les garçons, plutôt moches. Par contre, quelques jeunes filles… et de se demander s’il a réussi, par ses propos, à donner envie à l’une ou l’autre de le revoir.
L’Éducation nationale a fait des progrès, on en conviendra. Et il est bien sûr de lui, le conférencier, pour indiquer ainsi, au grand public, quel jour, à quelle heure et dans quel établissement il a pu draguer tout à fait officiellement, la jeunesse de ce pays.
Un pédophile professionnel vient faire l’apologie de son vice auprès des élèves d’une classe de seconde d’un grand lycée parisien.
Tout va bien.
C’est de la littérature.
De la publication de ces exploits amoureux longuement décrits, l’auteur se fait quelques ennemis qui l’insultent, et dont il aime à relever les attaques. Pour lui, le monde se divise en plusieurs catégories : les pédophiles épanouis, les pédophiles frustrés, et ceux qui s’ignorent. Seule la première catégorie fait partie de ce qu’il appelle « la secte », les autres, tous les autres, sont ses ennemis car ils sont jaloux de lui.
Il serait tout de même honnête qu’il reconnaisse certains appuis. Et, homme de gauche, il en trouve bien sûr à gauche.
Il fut un jour pris à partie violemment, en direct sur un plateau de télévision, par une dame qui demandait son arrestation au nom des jeunes filles flétries. Une journaliste d’un grand quotidien de gauche prit alors sa plume : « Quand les crimes racistes à répétition font moins de bruit à la télévision et dérangent moins la morale des dames d’œuvre que les amours, nombreuses, voluptueuses, tendres et somme toute anodines d’un homme très pacifique, il est urgent de s’inquiéter ».
On a vu ce que les « amours » de ce monsieur avaient de pacifique et de tendre : il est presque évident — en tous cas on peut l’espérer — que la journaliste n’a pas lu l’ouvrage pour en parler ainsi. Ce qu’il faut noter ici, c’est le procédé qui consiste, quand est dénoncé un méfait gênant, à s’étonner qu’on n’en dénonce pas suffisamment un autre, considéré comme pire. (…)
Il y a, dans ce débat, un goût extrêmement amer pour la femme issue de la gauche que je suis.
Je ne suis pas dame d’œuvre et n’ai pas comme projet de faire mettre ce monsieur en prison. Franchement, sa petite personne, je m’en moque, sa misogynie ne s’est jamais adressée à moi et je n’ai pas de fille ou de fils qui soient tombés dans ses filets. Mon propos n’est donc pas de crier haro sur le baudet, mais de montrer dans quelle société nous vivons. Cet écrivain est comme tout le monde : s’il rencontrait des limites, il les respecterait. S’il risquait la prison en se rendant dans le tiers-monde, il n’irait pas. Si ses écrits déclenchaient dans la presse des mises au point de ses victimes, il les ferait plus discrets. Si ses éditeurs gagnaient moins d’argent avec ses comptes-rendus d’activités sexuelles, il ne pourrait passer ainsi ses journées à baiser pour s’en vanter ensuite. Enfin si on ne trouvait pas dans la presse des comptes-rendus dithyrambiques de ses productions, mais des analyses circonstanciées, on saurait à quoi s’en tenir. Il ne serait pas un écrivain pédophile, mais un pédophile qui écrit.
On pourrait peut-être alors parler du problème que pose cette forme de sexualité, sans s’entendre reprocher de s’en prendre à la littérature. (…)
Savoir cet écrivain soutenu par la gauche française fait froid dans le dos. Bien sûr, il assure qu’il vit « frugalement de ses droits d’auteur », c’est-à-dire pas comme un nanti.
Frugalement peut-être, mais sur un grand pied. Jamais on ne le verra dîner d’un œuf dur et d’un plat de nouilles, il n’est pas le genre à se désaltérer d’une canette de bière. Il ne boit que des châteaux millésimés, dîne de fruits de mer ou de truffes sous la cendre, et les quelques marginaux qui partagent son rata ont le plus souvent des noms à particule, quand ce ne sont pas simplement des personnalités médiatiques que tout le monde reconnaît.
Ce petit monde a les moyens. Un soir de rendez-vous manqué, notre anachorète vide tout seul une boîte d’un kilo de caviar, avec ce commentaire : « Je dois être sublime ou ne pas être ».
Sublime, de siffler ainsi le revenu mensuel d’une famille complète ? Sublime ?
Et ceux qui n’ont pas les moyens sont bien méprisables. Ou comment comprendre autrement ce que lui inspire le fait que, dès le mois de septembre, sa piscine favorite se vide d’un seul coup : « L’été est fini, au boulot ! Eh bien allez donc au boulot messieurs-dames, et crevez-y. Je vous souhaite bien du plaisir. »
C’est ça la gauche ? (…)
Au nom de la liberté, le sexe est sorti de la sphère privée pour s’étaler à toute heure de la journée dans les médias, il est désacralisé, banalisé et, plus grave que tout, en permanence associé à la violence et à la mort. Au nom de la liberté du commerce on tend à légaliser la prostitution et son corollaire, le proxénétisme. Et au nom du droit à la satisfaction des désirs, on justifie n’importe quoi.
J’ai vu un jour à la télévision, dans une émission mettant sur un plateau diverses personnalités autour d’un animateur, ce dernier s’insurger contre l’ordre moral qui voudrait faire interdire « Les onze mille verges » d’Apollinaire.
Faire interdire un poète, ah ! Les monstres !
Je ne me rappelle pas les termes exacts employés par le journaliste, un homme de gauche sans conteste, mais je me souviens très bien d’avoir compris à quel point il trouvait ridicule de s’en prendre à un texte aussi anodin sous prétexte qu’il était érotique
« Les onze mille verges » sont le texte le plus abominablement sadique qui se puisse écrire. Le « poète » s’y complaît à décrire, dans des orgies scatologiques dégoulinantes de sang et de tripes, le viol, la torture et le meurtre de jeunes femmes et d’enfants, le tout entrecoupé de scènes pédophiles, dont la sodomie d’un nourrisson par son propre père, jusqu’au meurtre de ce dernier par les incitateurs du forfait.
(…) je me permets d’attendre de ceux qui font profession de nous informer qu’ils ne tentent pas de faire prendre des vessies pour des lanternes, qu’ils fassent leur métier. Et qu’ils appellent un texte immonde un texte immonde, un poète pervers un poète pervers, et des scènes puant le sang et la merde autrement qu’un « petit texte érotique anodin ». (…)
Ce sont les mêmes intellectuels de gauche qui, invités sur les plateaux de télévision pour parler littérature, qualifient le marquis de Sade de « divin », à l’instar d’Apollinaire précisément. Décidément ce monsieur sert beaucoup de référence. (…)
Les sectateurs de cette nouvelle morale sont-ils volontaires pour se faire torturer, violer, humilier et massacrer ? Ou préfèrent-ils, comme le fit leur modèle, s’en prendre à des servantes, à des filles, à des enfants du peuple ?
Simone de Beauvoir, femme de gauche, esprit libre et au demeurant signataire en 1977 de la pétition pour la libération des trois pédophiles emprisonnés a écrit : « Les gens qui se contentent de fouetter de temps en temps une fille sont moins nuisibles d’un fermier général » (et, selon le vieux principe, moins nuisibles donc pas nuisibles…)
Nuisibles à qui, madame de Beauvoir ? Avez-vous vous-même déjà été prise dans les filets d’un amateur de ce genre d’ « érotisme » pour servir de victime au fouetteur ?
Comment ne pas voir que, chez le diabolique marquis comme chez ses sectateurs, les filles fouettées sont toujours des filles du peuple !
Et que chez les pédophiles aussi, on va chercher la satisfaction de ses désirs chez les pauvres. Pas dans les nurseries des beaux quartiers.
La satisfaction de ses désirs sans contrainte est l’affaire des puissants. (…)
Regarder des cassettes pédophiles, c’est moins grave que de violer des enfants, lit-on dans la presse de gauche.
Donc ce n’est pas grave. Du moment qu’on trouve pire à côté, il n’y a pas lieu de s’émouvoir.
Ou plutôt, c’est moins grave que, donc ne perdons pas de temps à poursuivre.
Que dit-on d’autre en affirmant « les amateurs de vidéo ne sont pas tous des Dutroux ». Voilà que Marc Dutroux devient le mètre-étalon en deçà duquel tout va bien !
Comment peut-on être aveugle au point de ne pas voir que si, précisément, la limite morale n’est pas mise dès le début, ça deviendra précisément de plus en plus grave, et qu’on aurait pu l’éviter.
Simone de Beauvoir, qui absout le sadique grâce au collecteur d’impôts, va plus loin dans la bêtise encore en écrivant : « Une juste organisation économique rendrait inutiles codes et tribunaux, car le crime naît du besoin et de l’inégalité, et il disparaît en même temps que ces motifs. »
Voilà une remarque faite par une dame qui n’a jamais été la victime d’un patron sadique, d’un père abusif ou d’un notable pédophile. Le crime vient au contraire de l’absence de limites, de l’absence de morale. L’inceste est un crime commis dans toutes les classes sociales, il provient du pouvoir paternel abusif et de l’assurance de l’impunité, pas du besoin.
La gauche s’est targuée, pendant des décennies d’opposition, d’être du camp de la morale et de la liberté. Elle est, en fait, dans celui de l’immoralité et de la licence. Licence jusqu’au crime.
Ou jusqu’au retour de l’ordre moral ?
Le pédophile aime les enfants, c’est dit dans le mot, on ne se bat pas contre l’étymologie ! C’est ce que diront un jour, sur France Inter, à une heure d’écoute maximum, des journalistes pris à partie par un auditeur à propos de Marc Dutroux.
– Pourquoi, disait l’auditeur, dites-vous tout le temps « le pédophile Marc Dutroux », comme si on pouvait assimiler les pédophiles à ce monstre tueur d’enfants ? Cessez donc d’utiliser ce terme. Dutroux tue les enfants, c’est donc un pédocide.
La règle du jeu de l’émission consiste à faire commenter ou répondre aux interpellations des auditeurs par un petit groupe de journalistes de la station. Ce matin-là, ils furent unanimes à approuver la remarque de l’auditeur. Il fallait cesser de dire « pédophile », celui qui aime les enfants, et dire à présent « pédocide », qui tue les enfants, pour permettre aux auditeurs de ne pas confondre un assassin avec un pédophile.
Un pédophile ne peut pas tuer les enfants, puisqu’il les aime.
Rôtis ou à la croque au sel ?
C’est l’amour à toutes les sauces, ce mot magique dont se sert la société pour masquer toutes ses turpitudes et faire taire les victimes. Quand mon père me battait à s’en donner des crampes, on m’expliquait que c’était sa façon de m’aimer. Le père violent qui cogne, aime son enfant. La mère qui l’abandonne aussi. Le mari qui viole sa femme l’aime à sa manière, comme fait le maquereau qui tabasse sa gagneuse. Et le pédophile aime l’enfant, comme notre écrivain aime ses petites amies.
Et moi j’aime la salade à l’ail.
On prétend de temps à autre que c’est une des faiblesses de la langue française que de ne pas savoir distinguer entre l’amour des êtres et le goût pour ce que l’on consomme.
Je ne le crois pas. La langue française est une langue riche qui dit bien ce qu’elle dit, et si on fait mine de confondre, ce n’est pas faute de vocabulaire.
Aimer un être, tout le monde sait ce que ça veut dire, ou a les moyens de le savoir. Et chacun peut, sans avoir fait une agrégation de lettres, faire le distinguo entre aimer quelqu’un et aimer la bière. (…)
Le pédophile ne recherche pas à rencontrer des êtres, il cherche à coucher avec des pré pubères. Celui qui prétendra ne pas saisir la nuance est un menteur.
C’est sans doute parce qu’il sait cela parfaitement, que l’écrivain pédophile prétend que ce sont les enfants qui le cherchent. Quand on lui demande d’expliquer son attirance pour les gosses, il réplique qu’il ne peut que constater le fait : il ne plaît pas aux femmes mais aux enfants. Ce faisant, il renverse les termes de la proposition en prétendant que ce sont les lycéennes qui lui poursuivent, lui pauvre innocent qui n’y peut mais et ne fait que céder çà leurs avances.
Ainsi font les pères incestueux qui vous affirment, droit dans les yeux, que « cette petite salope, c’est elle qui m’a cherché ».
Le pédophile ne peut être coupable, il n’est même pas responsable.
En tous cas une chose est sûre : si on se réfère uniquement à ce que raconte notre auteur, la participation tout à fait volontaire des jeunes filles à ces joutes sexuelles est évidente. Il ne les viole pas, en tous cas pas au fil des pages.
Cela permet-il pour autant de conclure qu’il n’en abuse pas ? Que dirait-on à un dealer qui assurerait qu’il n’a jamais forcé un gosse à se piquer ?
Le compte-rendu d’un de ses livres nous explique comment il procède pour draguer : « les mêmes mots, les mêmes ficelles et trucs, il les a redits à chacune, il les a refaits sans vergogne ».
Tiens donc ! Trucs et ficelles, vergogne… Il mentirait donc un peu tout de même, et son incomparable honnêteté littéraire le pousse à le reconnaître.
Et abuser, c’est quoi d’autre ? (…)
Si les pédophiles aiment les enfants, ils ne sauraient leur faire de mal. C’est sans doute en développant cet argument que les partisans des trois pédophiles emprisonnés réussirent en 1977 à soutirer la signature de quelques noms prestigieux.
En tous cas on l’espère.
Pourtant la lecture de la presse au lendemain du procès donnait des indications plus que claires sur l’amour en question. Alors qu’il était fait état de « photos et films naturistes avec conclusion érotique » (que c’est beau !), on apprendra qu’on pouvait également qualifier ça de partouze mettant en scène six adolescents de douze à quinze ans dont un frère et sa sœur âgés de treize, avec fellation, sodomie et masturbations réciproques pour tout le monde.
« Ce qui m’intéressait, c’était de voir la sexualité des enfants », dira un inculpé.
Pas s’exciter devant mises en scènes odieuses, non, étudier. Et enseigner l’amour. (…)
On aurait aimé que les signataires de la pétition[1], lisant enfin de quoi il s’agissait, donnent leurs réactions à la découverte des faits. Ils sont, depuis vingt ans, d’un silence inquiétant sur le sujet. On en a tout de même retrouvé un qui a accepté de monter au créneau pour pourfendre les salauds qui poussent les innocents au suicide. Innocents consommateurs de cassettes, poussés au suicide par l’opprobre.
Si c’est ça la gauche, c’est une gauche qui pue, et le fait qu’il y en ait autant à droite et chez les sectateurs de l’ordre moral ne change rien à l’affaire. Au moins ces derniers font-ils leurs coups en douce et ne les justifient-ils pas. La gauche, elle, a justifié la pédophilie, elle l’a défendue, l’a promue, en a fait l’apologie. (…)